Un an après le reportage publié dans Route64 n°6, paraît ce mois-ci un livre de plus de 400 pages sur les tournois d’échecs d’Hossegor, et à travers eux sur l’histoire de la discipline dans le grand Sud-Ouest.
Une réunion annuelle d’individus singuliers dans un lieu exotique : tel est le point de départ des Tournois d’échecs d’Hossegor. Bien sûr, des tas d’opens de province auraient pu prétendre à pareille monographie. Alors pourquoi Hossegor, station landaise plutôt connue pour le surf, le rugby et la pelote que pour sa glorieuse histoire échiquéenne ?
Temps de lecture : 11 minutes
D’abord, c’est un peu le carrefour des échecs aquitains : Landais, Palois, Bayonnais, Agenais, Bordelais viennent y jouer par véritables délégations, rejoints par les Limougeauds, les Toulousains, les Parisiens et même bon nombre d’étrangers, basques espagnols notamment. Les opens d’Hossegor, à la bonne franquette au Sporting Casino (monument historique), attirent une population échiquéenne aussi étendue et diverse que représentative du quart Sud-Ouest.
Ensuite, les tournois d’Hossegor se signalent désormais par une longévité peu commune : des épreuves homologuées sont organisées sur place depuis 1978. Pas si fréquent dans l’Hexagone… Plusieurs générations de joueurs ont défilé là au fil des ans, et pas des moindres, de feu François Chevaldonnet au petit Marc Llari en passant par MM. Santo-Roman, Izeta, Legky, Prié, Fressinet, Relange, Bauer, Marciano, Renet, Cornette, Mazé, Inkiov, Etchegaray, Velten et bien d’autres, souvent moins connus dans le milieu mais pas toujours moins méritants ou étonnants. L’esprit de ces tournois, ce sont aussi ces figures locales de l’ombre qui, entre deux journées de boulot, tiennent de temps en temps la dragée haute aux professionnels…
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Sans compter les villégiatures de MM. Capablanca, Alekhine, Marshall, Prins et consorts à Biarritz pendant l’entre-deux-guerres.
L’environnement « balnéaire » fait de la côte basco-landaise une place forte échiquéenne
Enfin, Hossegor et ses alentours sont intimement liés à l’histoire des échecs nationaux. L’environnement « balnéaire » fait de la côte basco-landaise une place forte échiquéenne aux racines plus profondes qu’il n’y paraît. Dans la foulée du championnat de France de Biarritz (en 1926), Hossegor a échoué deux fois à en obtenir l’organisation (en 1930 et en 1931). Le géomètre qui a dessiné les plans d’Hossegor (au début des années 20) était un joueur d’échecs chevronné, membre du bureau du premier club départemental. Ajoutons que la grande figure des échecs landais et aquitains, M. André Dupouy (président de ligue et arbitre historique des tournois d’Hossegor), est l’inventeur de la célèbre « Coupe Loubatière », d’abord expérimentée dans les Landes sous le nom de « Coupe Molter » (à la fin des années 80) et remportée pour la première fois par les seconds couteaux… du club d’Hossegor. Sans compter les villégiatures de MM. Capablanca, Alekhine, Marshall, Prins et consorts à Biarritz pendant l’entre-deux-guerres. Sans compter le Landais Jean Sorhouet, président historique des Amis d’Europe Échecs, l’homme qui a fait venir (et sermonné !) Fischer à Monaco dans les années 60. Sans compter le petit Laurent, enfant du pays qui a joué à Hossegor son premier tournoi avec les adultes (en 1990, âgé de 8 ans) et qui, deux décennies plus tard, assistait MM. Kramnik et Carlsen…
Outre ces grands rappels historiques, les « Tournois d’échecs d’Hossegor » forment un volumineux recueil de documents, d’archives, d’anecdotes et de témoignages de joueurs de tous niveaux et de toutes origines, une galerie de portraits émouvants, drôles ou surprenants. Les anciens participants ont de bonnes chances de s’y retrouver en photo (et d’y retrouver leurs propres résultats, cachés dans un numéro oublié de Sud-Ouest ou de Zwangzug…), tandis que les curieux bénéficieront d’un regard inédit sur un microcosme échiquéen régional plus que séculaire.
Editer un pari oser
Alors que le déficit de recherches historiques sur les échecs en France demeure assez criant, il faut souligner l’intérêt et le courage du petit éditeur à l’origine de ce projet, Éric Gildard, figure hossegorienne dont c’est le 174ème ouvrage publié en 20 ans sur la culture gasconne. Le premier sur les échecs, certes, mais aussi le plus long et fourni de tous. Sous son béret, il espère bien que la communauté échiquéenne saluera et soutiendra son initiative…
Références : Julien Monchanin, Les Tournois d’Échecs d’Hossegor, Éditions Lac et lande (association littéraire des Amis du lac d’Hossegor), préface de Laurent Fressinet, 416 p. sur papier brillant (dont 130 p. d’illustrations), 35 €.
Renseignements :
lesamisdulac40150@gmail.com (éditeur)
julien.monchanin@yahoo.fr (auteur)